Mary a 73 ans. Elle est plutôt en bonne santé, hormis quelques inconforts ici et là. Au cours d'un examen de contrôle chez son médecin qui lui demande comment ça va, elle répond: "PLutôt bien en fait, à part l'épuisement nerveux".
Il faut vous dire que Mary prend soin de son époux qui a la maladie d'Alzheimer. C'est évidemment une situation difficile pour tout accompagnant.
Seulement Mary n'est pas exactement comme tout le monde. Mary a l'EFT à sa disposition, et elle l'utilise quotidiennement, pour aider son mari et bien sûr pour s'aider elle aussi.
Aussi lors d'une session d'EFT, quand elle me raconte l'épisode chez le médecin, je lui demande à quand remonte le dernier épisode d'épuisement nerveux. Mary cherche dans ses souvenirs. Elle se remémore des moments certes difficiles, voire très difficiles, dans les semaines passées, ou même ne serait-ce que 2 jours plus tôt. Pourtant elle commente à chaque fois : "ah mais ce n'était pas vraiment de l'épuisement nerveux en fait, parce que X ou Y m'a aidée." ou "....parce que j'ai tapoté."
Et après réflexion : "En fait, je tapote systématiquement maintenant avant que ça ne devienne trop grave." Il s'avère pour finir que la dernière vraie crise remonte en fait à plus de 5 mois.
Je pose donc la question suivante : "Puisque vous savez maintenant que vous pouvez tapoter, et que l'épuisement nerveux n'est plus ce qu'il était, pourquoi est-ce arrivé dans la conversation avec le médecin?" Ceci n'est évidemment pas un jugement, et encore moins une accusation, juste une tentative pour déraciner cet "épuisement".
Mary reformule: "Je n'ai pas vraiment dit que j'étais en épuisement nerveux, simplement qu'il me guettait."
Je pousse un peu plus : "Même avec l'EFT? Même avec tout le soutien dont vous bénéficiez maintenant de la part de vos amis et de votre famille?"
Après un long silence, Mary répond avec hésitation: "En fait tout le monde me dit qu'il me guette. D'ailleurs tout le monde me dit des tas de choses. Il y a ceux qui me regardent avec pitié. Ceux-là ils m'énervent. Et ceux qui me disent qu'ils n'auraient jamais le courage. Mais enfin, je n'ai pas vraiment le choix, qu'est-ce que je peux faire d'autre? Les gens qui me disent: 'comme tu es courageuse!' ou qui semblent béats d'admiration ajoutent à mon épreuve, parce qu'ils me font sentir que je ne suis pas comme tout le monde, donc ils augmentent mon inconfort.".
J'en profite pour rappeler à Mary qu'effectivement, il y a quelques mois, elle ne savait pas si elle pourrait faire face. En fait, au début, elle ne pouvait même pas prononcer le mot "Alzheimer" sans se décomposer immédiatement. Je lui rappelle aussi qu'elle vit la situation 100 fois mieux que qui que ce soit n'aurait pu le présager, et que pour la plupart des gens, c'est difficile de comprendre, voire d'accepter, qu'elle "s'en sorte aussi bien".
Beaucoup de choses ont changé depuis les premiers temps et Mary a fait un long chemin. C'est vrai, chaque jour amène son lot de difficultés, et Mary est souvent fatiguée. Mais comme elle le dit elle même : "sans l'EFT je ne sais pas où je serais". Et tous ces gens qui commentent sur la menace de l'épuisement nerveux ne connaissent pas l'EFT et le soutien que Mary en tire. Ils sous-évaluent surtout les ressources que Mary découvre en elle même chaque jour.
Le rôle de Mary est difficile, personne ne le remet en cause. Il est capital qu'elle prenne soin d'elle même, et elle le comprend pleinement. Au début elle essayait de tout faire toute seule, mais elle a appris à accueillir l'aide qui lui est proposée, voire la demander en cas de besoin. Par exemple, même si tous leurs enfants habitent très loin, l'une de ses filles vient régulièrement passer le week end. Mary lui est très reconnaissante du soutien qu'elle apporte par sa présence, sans compter les aspects économiques et administratifs qu'elle prend en charge. Un autre de ses fils a pris en charge tous les aspects juridiques. Encore un gros soulagement qui permet à Mary de mieux respirer.
Mary a aussi appris à se réserver du temps pour elle même, et à se préparer pour le futur, aussi difficile que ça puisse paraître. Elle a évalué avec ses enfants ses options financières, les possibilités médicales et d'accueil pour le futur, pour elle et pour son époux. Regarder les choses en face lui a apporté une grande paix, en lui permettant de travailler sur ses peurs, une à une. Elle m'a demandé récemment si elle devait vraiment "se résoudre à mettre John dans une institution pour prendre des vacances pour elle même". Réponse : "surement pas si vous devez passer ce temps à vous inquiéter et à culpabiliser d'avoir "abandonné" John, mais absolument oui, dès que vous aurez trouvé l'institution où vous vous sentez en confiance et où John se sent bien. Par contre, comme tout le reste, ça se prépare et vous pouvez effectivement y travailler.
Il m'a paru important de partager cette discussion pour 2 raisons :
bien qu'étant pleins de bonnes intentions quand nous parlons avec des gens en situation difficile, serait-il bon parfois de nous demander si nos commentaires ne risquent pas d'ajouter au stress et à la pression?
D'un autre côté, devons nous prendre pour argent comptant le regard des autres ou les commentaires qu'ils nous adressent, souvent avec les meilleures intentions du monde?
Les conseilleurs ne sont pas les payeurs, comme on dit. Il est capital de connaître ses propres forces, et de capitaliser dessus. Ne vous laissez pas décourager par les commentaires des amis, ou pire, des médias! Connaissez les forces qui sont à votre disposition, tout au fond de vous, et faites vous confiance.
Tapotez plutôt! Et surtout prenez soin de VOUS!
Christine Disant
PS : Mary a voulu utiliser cette opportunité de partager son message avec toutes les personnes dans sa situation : "Rencontrez le plus de gens possible compétents sur la question, même si ce n'est pas dans le domaine médical conventionnel. Leur aide vous sera fondamentale pour la gestion de cette épreuve. Acceptez de votre entourage l'affection et les propositions d'aide dans tous les domaines, qui vous constitueront un "capital" de forces nécessaires. Surtout ne vous isolez pas. Continuez, en l'aménageant, votre vie sociale et celle de la personne malade; elle en a besoin aussi. Découragez les commentaires des personnes qui veulent vous plaindre. Et acceptez de pratiquer l'EFT,vous y puiserez aussi une énergie dont vous ne vous seriez pas cru dépositaire."